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18 février 2022 5 18 /02 /février /2022 18:43
Le Dernier Duel

Ridley Scott avait démarré sa carrière sur un superbe film The Duellists (les Duellistes) en 1977. Le film mettait en scène Harvey Keitel et Keith Carradine. Prix de la meilleure oeuvre à Cannes en 1977, tiré de la nouvelle le Duel de Joseph Conrad publiée en 1908. 

Le film abordait la notion d'honneur et de déshonneur, avec ses deux protagonistes qui se battaient plusieurs fois en duel, jusqu'à en arriver à un duel au pistolet qui se terminait sur une impasse tragique, que le gagnant choisissait de rendre meilleure en épargnant le perdant, à charge qu'il agisse comme mort en cas d'une prochaine rencontre.

Ici, Ridley Scott aborde encore la question d'honneur et de déshonneur mais du point de vue d'un protagoniste féminin. S'inspirant d'un livre, du médiéviste américain Eric Jager qui s'inspire lui-même du dernier duel judiciaire recensé dans l'Histoire. Une Histoire vraie mais que Ridley Scott transforme à l'avantage de sa protagoniste comme dans le roman, dans la lignée du mouvement Me Too outre-atlantique. En effet, dans la réalité historique, il semble que la jeune femme qui accusait le chevalier de l'avoir violé aurait tout simplement menti en inventant un faux viol.

L'histoire tient en peu de mots, Jean de Carrouges (qui a réellement existé) épouse Marguerite de Thibouville dans des secondes noces, et le parrain de son premier fils et écuyer ami, Jacques le Gris viole Marguerite un jour où Jean est parti à la guerre. Marguerite se confie à son mari, et ce dernier fou de colère, et voulant à la fois venger l'honneur de sa femme et son propre honneur bafoué (on est au Moyen-âge, rappelons-le) provoque Jacques le Gris dans un duel judiciaire ou ordalie, un combat à l'épée soumis au jugement de Dieu donc du hasard. Le gagnant étant déclaré diseur de la vérité. Le perdant recevant outre la mort pour le mari, le bûcher vif pour la femme pour "faux témoignage".

Ridley Scott raconte de manière linéaire la même histoire du point de vue des 3 personnages impliqués. La vérité selon Jean de Carrouges, la vérité selon Jacques le Gris, la vérité selon Marguerite. L'histoire varie peu malgré quelques changements infimes de répliques ou d'attitudes des personnages. Le mari apparaissant dans le témoignage de la femme plus préoccupé par son honneur propre que réellement par celui de sa femme, là où dans son propre récit, il l'est plus par sa femme (ou du moins autant). Le procédé est connu, Rashômon de Kurosawa auquel on pense beaucoup, mais n'est pas Akira Kurosawa qui veut, d'autant plus que Scott et ses scénaristes se torchent un peu avec la vraie histoire, et déroule un portrait de Jean de Carrouges en totale contradiction avec sa personnalité propre. Le moyen-âge revu et corrigé par Hollywood. Ca ne serait pas si grave, si les personnages dont Scott s'empare n'avaient justement pas réellement existé.

Le film aurait pu être un excellent film, dans la lignée des Duellistes, malheureusement le récit est long, sans réelle surprise, directement comme on l'a vu complaisant envers la femme, Scott allant jusqu'à employer un procédé stylistique faisant perdurer les mots "la vérité" dans le titre "la vérité selon Marguerite", quelques secondes après le reste du titre, histoire de bien expliquer au spectateur que c'est "la vérité vraie". Là où le réel procès, semble orienter le témoignage vers un mensonge.

Le propos est malgré tout intéressant, mais pas assez développé. Par exemple sur la vérité selon Jacques le Gris, Scott aurait presque pu montrer une Marguerite quasiment amoureuse de Jacques, et montrer l'acte du viol comme totalement mépris par l'écuyer. D'autant que c'est amorcé dans le récit de Jean de Carrouges qui édulcore beaucoup sa réaction face à sa femme, suite au viol. Cela aurait d'autant plus renforcé cette volonté de dire que "l'homme est mauvais", vu que les cartons de fin du film insiste sur le fait que "Marguerite à la mort de Jean ne s'est jamais remariée". En effet, dans la version de Marguerite, Jean prend sexuellement sa femme contre sa volonté pour ne pas que Le Gris soit le dernier homme à l'avoir possédé.

Les afficionados de Ridley Scott, trouveront sûrement le film formidable, quant à ses détracteurs, ou moins fan de son travail ces derniers temps, ils se consoleront avec la superbe reconstitution historique, la musique exaltée de Harry Gregson Williams, ou le casting absolument fantastique, que ce soit Jodie Comer en Marguerite, juste parfaite. Matt Damon dans le rôle du rustre Jean de Carrouges, ou Adam Driver, dans celui de Jacques le Gris. Sans oublier Ben Affleck, parfait dans le rôle du Comte.

Le film semble un peu limité, et on se prend à rêver, de ce qu'un tel sujet aurait pu donner aux mains, et à la caméra d'un Paul Verhoeven par exemple. Bien plus sulfureux que le cinéaste anglais. Toutefois le film demeure d'une très bonne facture, et se suit sans déplaisir, même si il s'avère un peu longuet sur la fin. Le duel final est violent comme il faut, et l'issue rattrape un peu ce ventre mou.

Au niveau des bonus, on trouve un making-of plutôt complet réalisé par la propre petite fille de Ridley, Cuba Scott, et des bandes annonces.

En Blu-Ray, 4K UHD et DVD ainsi qu'en VOD le 18 février, et en Achat digital le 10 février 2022. Edité par 20th Century Studios. Le site Internet de l'éditeur, sa page Facebook et sa page Twitter.
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