Je pensais naïvement que le nouveau George Miller, serait le film de cinéma qui me ferait reprendre le chemin de l'écriture analytique, et que nenni, cette envie est venue du film dont j'étais très loin de capter la profondeur de prime abord, l'adaptation de la série éponyme, le Visiteur du Futur, par son créateur le génial François Descraques pour le cinéma.
En 2009, sortait sur Dailymotion à l'époque (feu Dailymotion dirons les mauvaises langues, mais non il existe encore), un sketch complètement barré, filmé un peu à l'arrache, mais dont le destin allait écrire les plus belles pages de la web série française, le Visiteur du Futur. Le jeune trentenaire que j'étais (29 ans) découvrait Florent Dorin, excellent dans le rôle du cabotin voyageur du temps, et Raphaël Descraques, Raph dans cette relecture amusé d'un mélange de plusieurs pans de la culture geek : Terminator, Retour vers le Futur, mâtiné de Docteur Who.
Non, plus exactement, ma découverte de l'univers de François Descraques, remonte à plus loin, toujours sur Dailymotion, un court-métrage d'animation, sous forme de cinématique d'un combat entre un ange et un démon pour une Playstation PSP. C'est là que j'ai réellement découvert le potentiel de ce gars, dans ce court-métrage de sortie d'école, The Playfighters et que je me suis dit, on est face à un futur grand.
Puis suivra, le teaser trailer d'un projet de sitcom web série dans l'espace : Destination Pluton (dont j'ai toujours regretté de ne pas voir la série complète) et ensuite un nombre incalculable de court-métrage, de sketchs, de réalisation pour l'émission de Davy et Mr Poulpe, et enfin le Visiteur du Futur, et ses 4 saisons avalées comme qui rigole, au fur et à mesure des années.
Allant pour ma part jusqu'à revoir à chaque nouvelle saison, la ou les précédentes tellement j'aimais son univers.
Bref, je pensais revenir à l'écriture grâce à George Miller, ce fut par l'intermédiaire de François Descraques. Déjà on ne saurait décrire le pincement au coeur que j'ai ressenti, en entendant résonner le thème du Visiteur, dans la salle silencieuse comme à une grande messe, face à l'écran immense de promesses inavouées.
Et le résultat est là, sans se départir de coup de coudes aux fans de la première heure de la série, certes peu fréquents, mais présents sans être une gêne pour les non habitués ; le film le Visiteur du Futur réussit l'exploit de parler à tous sans jamais se perdre ou attrister ses spectateurs, et il réussit le second exploit tout en gardant son esprit de comédie à traiter son sujet avec sérieux, notamment ses enjeux, sans sacrifier l'humour et le second degré à l'émotion la plus pure. A la manière d'un Cameron, François Descraques propose une réflexion aussi bien sur notre humanité, que sur la préservation de la planète, mais sans tomber dans le pensum verbeux, ni dans le donnage de leçon écologico-politique, et c'est la plus grande force du film.
L'histoire en peu de mots suit, le politicien Gilbert Alibert, qui sera responsable dans le futur de l'apparition d'un nuage radioactif électrique suite à l'explosion d'une centrale nucléaire, nuage qui n'est pas sans rappeler les tempêtes électromagnétiques de Mad Max Fury Road, et le parcours du Visiteur, aidé de Raph et Castafolte pour l'en empêcher.
Il est d'ailleurs très amusant de voir le caméo de Mac Fly et Carlito qui disparaissent en fumée dès la première scène. Quand on pense aux relais macronistes qu'ils ont été, la coïncidence on l'imagine bien fait beaucoup sourire.
Ne voulant pas faire porter le film à ses héros de la série, et avec leurs accords semble t-il, François Descraques dévient le poids du film sur les épaules de Arnaud Ducret, impeccable en politicien puant qui va évoluer au fil du temps, et Enya Baroux qui s'en sort tout aussi bien dans le rôle d'une activiste pro nature et anti nucléaire. Bien sûr, le récit cache un sens plus profond, que les personnages seront amenées à découvrir, et le final m'a fait chialer comme une madeleine (assez inattendu dans une comédie française, mais la série avait déjà réussi cet exploit plusieurs fois, d'arriver comme Shakespeare le faisait, à mettre du rire dans les larmes et inversement). C'est la marque des grands d'arriver à faire cela, ce que Marvel échoue à faire à peu près chaque fois qu'il le tente, et rien que pour ça, le film mérite sa vision.
En plus donc du trio Visiteur (Florent Dorin), Castafolte (Slimane Baptiste Berhoun) et Raph (Raphaël Descraques), on retrouve avec un réel plaisir Mattéo (Mathieu Poggi), et Constance (Lénie Chérino absolument exceptionnelle) mais également Richard, parfaitement interprété par le comédien et youtubeur Ludovik, Audrey Pirault, Vincent Tirel, Davy, Mr Poulpe et encore bien d'autres guest star.
Le score de Jimmy Tillier, compositeur attitré de la série, apporte ce qu'il faut d'émotion, et de musique qui souligne parfaitement l'action et les moments plus calmes ou plus angoissants.
Au final, ce qu'on attendait de beaucoup de réalisateurs depuis des années, un traitement intelligent, sensible, et passionné du genre dans le cinéma français, est probablement arrivé grâce au talent de François Descraques et toute son équipe. On espère que le succès sera au rendez-vous, pour permettre à ce même Descraques de tourner un Visiteur du Futur 2, pour faire intervenir des personnages qui sont absents de celui-ci et qu'on aura plaisir à retrouver, comme les Lombardi, ou encore Stella.
"Et Maintenant voilà ce qui va se passer." Tu vas prendre tes petits pieds, et tes petites fesses, et tu vas courir t'asseoir dans un cinéma le plus proche de chez toi, pour voir ce chef d'oeuvre, je crois qu'aucun film de SF ne m'avait touché à ce point depuis Terminator 2. Et grâce au succès de ce film, les générations de réalisateurs à venir pourront rétorquer lorsque des financiers leur diront que le film de genre sérieux et comique ce n'est pas la France asséner que oui, les inventeurs de la série feuilletonnantes que sont les Français (et à qui les trois quart des scénaristes et réalisateurs américains font des ronds de jambe et des hommages à tire-larigot, eux) ont récupéré enfin le trône dont ils ont été chassé après 1970.. Les successeurs cinématographiques de Jules Verne, Ponson du Terail, Alexandre Dumas, Paul Féval et consorts seront là, bientôt et c'est peut-être grâce à François Descraques qui leur aura ouvert la voie. Et si c'était lui notre Visiteur du Futur, car après tout, peut-être est-ce la fin du monde telle qu'on l'a connu.*
* Oui, j'avoue que je me suis dis, ça serait ouf que le générique de fin du film démarre sur l'ancien générique de la fin de la saison 1 de la série, la chanson de R.E.M "It's the end of the World has we know it", ça serait la cerise sur le gâteau et ils l'ont fait.