Après un fantasque mais assez inégal, Kingsman 2, Matthew Vaughn nous offre un prequel spin-off d'une très grande qualité, et nous fait découvrir les prémisses de la désormais célèbre agence d'agents secrets anglais.
Le film débute par une magnifique scène d'introduction, qui pose tous les enjeux, à la fois émouvante, drôle, puissante, où l'on voit le héros, interprété par Ralph Fiennes se rendre en Afrique du Sud, dans un des premiers camps de concentration, pendant la seconde guerre des Boers, menée par l'Empire Britannique, avec la croix rouge pour améliorer les conditions de détentions des gens mais un sniper et un malheureux concours de circonstances lui coûtera la perte de la femme de sa vie, le tout sous les yeux de leur jeune fils, Conrad. Le ton est posé, à la fois dur et épique, et on pourrait craindre que le reste du film en pâtisse, mais absolument pas, Vaughn ne se repose pas derrière ses lauriers, et toute la suite de l'aventure est à l'avenant.
Comme il le dit dans le superbe making-of de près d'une heure et demie, le réalisateur voulait faire un vrai film d'aventures à l'ancienne. On pense autant à James Bond ou certains passages d'Indiana Jones, qu'à Jack Burton, ou encore même parfois A la poursuite du Diamant vert. C'est un réel souffle épique de l'aventure, qui met aux prises, Orlando Duc D'Oxford (Ralph Fiennes totalement magnétique comme toujours), et son fils Conrad (Harris Dickinson, belle découverte pour ma part), avec un mystérieux "Berger" à la tête d'une organisation terroriste et espionne à ses heures perdues.
Ainsi s'entrechoquent dans la plus grande des vivacités, mais aussi dans le plus grand foutoir idéologique et politique : Raspoutine, George 5, Nicolas 2, le Kaiser, François Ferdinand et sa femme, Mata Hari, même Lénine est de la partie (ainsi qu'un personnage mystérieux que personnellement j'avais deviné très vite, à la toute fin du film, en comme qui dirait scène bonus). Le film s'appuie d'ailleurs sur une théorie complotiste réelle qui dit que les deux adversaires du Capitalisme auraient été créés volontairement par le Capitalisme pour qu'ils soient des repoussoirs de leurs idéologies, et que le Capitalisme triomphe toujours.
On retrouve dans ce nouveau Kingsman la maestria filmique de Matthew Vaughn, son goût pour les chorégraphies impeccables, sur fond de musique (ici classique). Le réalisateur passe à la moulinette de sa cinégénie géniale, certaines des grandes séquences de l'Histoire avec un grand H, de l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand à Sarajevo qui précipitera la première guerre mondiale, en passant par la mise à mort des Romanov, ou le triple assassinat de Raspoutine (empoisonné, noyé, avec une balle dans la tête pour finir). Les puristes et les partisans du bon goût cinématographique râleront sûrement, mais les sales gosses amateurs de vrai cinéma (qui plus est très absent ces derniers temps) seront aux anges.
A noter, la présence épatante du remarquable Djimon Hounsou, et de la non moins fantastique Gemma Aterton dans des rôles secondaires mais loin d'être mineurs en revanche. Et Rhys Ifans qui campe un parfait Raspoutine, n'oubliant ni son penchant historique pour l'ésotérisme, ni ses penchants bisexuels (eux aussi avérés, on en comprend encore moins les reproches du journaliste des Inrocks), ce qui donne vie à une des scènes les plus drôles et cringe à la fois de toute la filmographie de Fiennes, et de Vaughn. On ne pourrait presque que voir le film pour les scènes de Raspoutine, tant le comédien se donne à fond dans son personnage.
Mais si vous aimez les délires complotistes, les relecture de l'Histoire à la manière d'un Guy Ritchie dans Sherlock Holmes- par ailleurs, grand ami de Vaughn- alors foncez car le jeu en vaut largement la chandelle. Et on y apprend en plus d'où vient cette passion pour les Chevaliers de la Table Ronde.
Niveau bonus, on est foutrement gâtés, puisque outre le fameux Making-of de 1h30 aussi passionnant qu'indispensable, le bluray propose aussi quelques featurettes intéressantes.