"Shadow in The Cloud" de Roseanne Liang est un film qui s'inscrit dans la nouvelle tradition post "me too" de la remise à l'honneur des femmes dans le milieu cinématographique aussi bien en tant que réalisatrice, puisque le film est réalisé par une femme, qu'en terme de sujet, puisque le sujet est entièrement tourné autour d'une femme. On pourrait croire que le film est un de ces nombreux blockbusters américains, mais ce serait faire erreur, puisque en fait de gros budget, il s'agit d'un film indépendant américano-néo-zélandais dont les effets spéciaux ont été confiés au studio Weta d'ailleurs.
"Shadow in the Cloud" s'ouvre sur un dessin animé satirique sur l'aviation, illustrant la pire crainte des pilotes, le Gremlin durant la seconde guerre mondiale. Ce petit animal mythologique popularisé par l'écrivain Roald Dahl, à la frontière physique entre korrigan et farfadet, était en effet accusé, à chaque fois qu'un pilote ne voulait pas assumer la responsabilité de ses erreurs sur les accidents qui pouvaient survenir sur son appareil. Puis avec le temps, les pilotes ont commencé à les voir réellement dans le ciel. Le Gremlin devenant la marque de leur stress, et de leur confrontation à la violence et à la mort qu'ils semaient dans le ciel.
Une fois le dessin animé passé, on entre dans le vif du sujet, avec une machine à écrire, sur laquelle des doigts de femmes tapent une lettre au contenu top secret défense pour un pass de navigation au nom de Maude Garret. Puis nous suivons le personnage, une femme, un bras cassé enroulé dans une écharpe, avec une valise à la main, qui se dirige vers un terrain d'aviation sur lequel un B-17 finit par atterrir, façon "vaisseau fantôme". Elle grimpe dans l'avion, et retrouve l'équipage composé uniquement d'hommes de divers âges, et d'elle-même. Positionnée dans la tourelle de la mitrailleuse de défense du B-17 et "délestée" de son bagage qui ne doit surtout pas être ouvert du fait de son essence top secrète. Elle rechigne à descendre dans le nid de mitrailleuse, et finit par s'exécuter en demandant à ce qu'on garde un oeil sur le bagage qu'elle transporte, du fait de son côté top secret. Elle s'acclimate à son nouvel environnement en devant supporter, et subir à la radio et dès son arrivée, les remarques misogynes et les commentaires graveleux, de la quasi totalité de l'équipage du B-17, sur sa nature de femme, physique et morale. Seuls épargnés, le deuxième mitrailleur du B-17, et le co-pilote noir.
Petit à petit, Maude Garret, se révèle être également au fil de ses confessions, une pilote d'avions civils qui a traversé les océans sans aucune arme pour se défendre. Elle finit par être confrontée à une vision fantastique d'un Gremlin, embarqué à bord du B-17. Elle en fait part à l'équipage qui se moque d'elle, et lui demande si elle n'a pas vu des Japs non plus.
On retrouve ici, un élément de la série la "4eme dimension", dans l'épisode "Nightmare at 20.000 feet" de 1963 qui voyait William Shatner aux prises avec un Gremlin, durant le vol d'un avion de ligne, réalisé par Richard Donner. Cette histoire sera d'ailleurs reprise dans le film à sketchs, initié par Steven Spielberg, la "4eme dimension" en 1983, dans lequel l'histoire remakée sera cette fois-ci filmée par le jeune George Miller, réalisateur de "Mad Max", John Lightow prenant la place de William Shatner. Un troisième remake de la série plus contemporain sera également réalisé, mais je ne peux en parler, ne l'ayant pas vu.
Maude utilise son pistolet et tire sur le Gremlin à travers la paroi. L'équipage lui intime l'ordre de sortir du nid de mitrailleuse, car il leur semble qu'elle est devenue folle, ou a ses règles. Elle essaie de s'exécuter mais casse la manivelle qui permet d'ouvrir la trappe pour remonter dans l'avion. Elle se retrouve donc bloquée dans sa tourelle boule.
C'est alors que le film va aller piocher dans un autre ouvrage télévisé, un élément supplémentaire au récit. Elément similaire, toujours chez Spielberg, le premier court-métrage de sa série "Histoires Fantastiques" (Amazing Stories), intitulé "La Mascotte" montre comment un jeune mitrailleur bloqué dans sa tourelle boule, suite à une défaillance du levier de déverrouillage va réussir à se tirer d'affaire, grâce à son imagination.
De ces deux éléments, la réalisatrice Roseanne Liang et son co-scénariste Max Landis (fils de John Landis) sortent un film qui met le personnage principal aux prises avec la folie des hommes, et la misogynie plus ou moins typique de cette époque. Toute la première partie du film fonctionne vraiment très bien, et le spectateur s'attache à la pilote jouée par Chloé Grace Moretz, transfuge de Kick Ass, qui resplendit dans le rôle et livre une performance impeccable. On ne peut malheureusement pas en dire autant du cast masculin, non pas par défaut de talent mais bien par une volonté de la réalisatrice de rendre les personnages transparents, sans épaisseurs, sans aucune personnalité ou presque, et de ni traiter, ni esquisser le moindre rapprochement sympathique du spectateur avec ces derniers. A l'exception peut-être du co-pilote noir, et d'un personnage qui aura son importance par la suite. Là où un James Cameron mais pas seulement lui, même si on pense beaucoup à "Terminator", "Abyss", ou "Titanic", savait montrer la force d'une femme en la confrontant à des personnages masculins bien écrits, attachants ou antipathiques. Roseanne Liang, malheureusement, ne s'attache qu'à démontrer le talent de son personnage principal, et on ne verra ni n'entendra de la présence des autres membres de l'équipage, en tout cas dans la première partie du film, que leurs voix, ou des flashs vécus par Maude Garret comme des intrusions sexistes. Misogynie partout, civilité nulle part.
C'est réellement dommage car à partir d'un moment précis du film, lorsque la seconde tourelle boule du B-17, s'arrache, détruit par le Gremlin. Même le personnage féminin qui n'était pas trop mal écrit dans ses capacités, est desservi en devenant une sorte de "Mary-Sue" invincible, façon Wonder Woman, avec un bras cassé, et une main brisée, sans aucune justification, survivant même à une réaction atmosphérique qui aurait dû la tuer, rappelant par bien des points, l'évolution aberrante d'une certaine Rey dans la nouvelle trilogie Star Wars. Son invincibilité ira crescendo dans le film, encore plus illogique, quand on sait pourquoi et comment elle a eu le bras cassé. La réalisatrice se justifie en disant qu'elle a adoré les héros humains comme John Mc Clane par exemple dans Die Hard, qui en chiait avant de triompher, sauf qu'elle semble avoir oublié, que justement, l'humanité de John ressort en grande partie parce qu'il n'est pas invincible et que tout ce qu'il va traverser va le faire "grandir" aux yeux du spectateur.
De ce fait, Roseanne Liang, dont c'est le deuxième film, propose un film de série B de facture correcte (jolies photographie et réalisation), où malheureusement aucun attachement n'est possible pour les personnages masculins, et pour leur destin, à l'extrême limite pour le co-pilote, et le second mitrailleur de la tourelle boule. Là où paradoxalement Maude Garret regrette parfois leur sort, sans aucune explication ni justification, vu comment ils se sont acharnés sur elle, et c'est bien un des gros points faibles du film. On n'en dira pas plus pour ne pas trop gâcher le plaisir du spectateur dans la découverte du film qui contient quand même pas mal de jolis moments, et autres rebondissements.
Le film se rattrape avec des bonus assez chouettes. Un documentaire intéressant mais qui ne fait qu'entériner les choix idéologiques de son équipe, réalisatrice et producteur compris. Et une petite visite guidée des studios, par un des acteurs, qui est toujours agréable à regarder. On se prend alors à penser que Me Too, et la transformation des studios et du cinéma outre Atlantique qui en a suivi, mérite de biens meilleurs "défenseurs".
Shadow in the Cloud gagnera-t-il sa place parmi les très bons films d'horreur ? En l'état, il tient parfaitement la comparaison avec les meilleurs films sortis sur Netflix en 2021.