Les films animés sur le chevalier noir sont légions, mais quand on parle des films qui restent, par delà le temps et la mémoire, il en reste déjà beaucoup moins. Outre la fantastique série animée nommée sobrement Batman TAS (The Animated Serie) par les puristes et les intimes, parfois même juste TAS dans des cercles encore plus restreints. Un fait amusant est d'ailleurs de se pointer dans une soirée, peu importe la soirée, et de glisser dans un des blancs de la conversation, "on aura beau dire, TAS c'est quand même le summum de la série animée", "ou TAS est la meilleure série de super héros" si des "geeks" sont présents, vous verrez immédiatement des mines réjouies, ou un sourcil se lever (en mode quickening.. Se pourrait-il que je ne sois pas seul dans cette soirée). Généralement la suite de soirée s'annonce passionnante. C'est d'ailleurs personnellement, souvent mon moyen de briser la glace dans une soirée où je commence à m'ennuyer, que cette dernière soit mondaine ou non.
Toujours est-il qu'en terme de films, et même si TAS c'est quand même le summum de la série animée ^^, peu décrochent réellement la timbale du film qui va rester, les comics c'est autre chose, car parfois des comics adaptés en film animé, même certains stand-alone se foirent et on préfère alors relire le livre un milliers de fois, que voir une seconde fois le film, ou alors une deuxième fois pour être sûr de son jugement du premier visionnage.
Dans les indétrônables, on peut citer chez Batman, en tête de gondole "Batman contre le fantôme masqué" (en VO Batman and the Mask of the Phantom, plus rare, son premier titre "Batman and the Mask of the Phantasm"). Un stand-alone incroyable, puissant, maîtrisé, comme un opéra de Puccini et un drame Shakespearien à la fois. Entre le fantôme de l'Opéra et Hamlet, réalisé par les producteurs de la série TAS d'ailleurs, Eric Radomski et Bruce Timm. Dont le nom de l'oeuvre ou de ses créateurs peut rendre également des soirées conventionnelles beaucoup moins, si certains ou certaines relèvent la tête en entendant ces mots.
Il y a aussi mais dans une moindre mesure, le sympathique Batman Sub Zero qui se regarde sans aucun déplaisir, même plusieurs fois, mais on sent quand même que l'implication n'était pas aussi puissante que sur Batman Mask of Phantasm. Le titre Québecois spoile un peu "Batman et le Masque du Phantasme", révélant un peu le devenir du criminel, là où le titre français "Batman contre le fantôme masqué" revient à une vision plus duelle, de Batman affrontant une sorte de "fantôme". D'ailleurs en parlant de Québecois, je peux vous donner un tips, si votre Bluray des deux films (coffret Sub Zero et Mask of the Phantasm) est un VF Québecoise, ce lien vous permettra de réclamer le retour de la voix inimitable de Richard Darbois (Batman) et Pierre Hatet (dans le rôle de son némésis de toujours), entre autres. https://www.batman-legend.com/comment-recuperer-vf-film-batman-contre-fantome-masque/
Mais sans plus attendre attelons nous à ce qui nous amène, en l'occurrence, l'ajout d'un nouveau film animé dans la dream team des films Batman animés qui compteront. En la personne de ce Batman The Long Halloween part 1, adapté du comics stand alone du même nom sorti sous la forme d'une minisérie de 13 épisodes, écrite par Jeph Loeb, et dessinée par Tim Sale. Il faut savoir que questionné à propos de la sortie d'un Batman : The Long Halloween en 2010, Bruce Timm avait répondu que l'arc narratif était plus approprié à une bd qu'à un film. Mais qu'éventuellement, le comics pourrait devenir une série télévisée. Au final, James Tucker, producteur du DC Universe Animated Original Movies avouera en 2013 son vif intérêt pour rendre à l'écran en film d'animation la profondeur de l'oeuvre papier.
A Long Halloween est un comics qui avait déjà fortement influencé la trilogie The Dark Knight de Christopher Nolan, en particulier "The Dark Knight" (2008) qui transcrit la transformation d' Harvey Dent en Double Face. Et dans A Long Halloween, on assiste également à la transformation du procureur loyal et droit, en son double tourmenteur et tourmenté.
Le film est réalisé par Chris Palmer, et scénarisé par Tim Sheridan, à savoir donc les deux qui étaient déjà à l'origine de "Superman : Man of Tomorrow", dont Batman : The Long Halloween reprend la direction artistique, au grand dam de celles et ceux qui auraient préféré un dessin plus sombre, dans l'esprit de Tim Sale. Mais pourquoi refaire le comics, à ce compte là, autant le lire. Au final, la DA fonctionne très bien, et le film se pare d'une ambiance poisseuse et sombre, même sans convoquer le talent de l'immense Tim Sale.
L'histoire suit le fil rouge du comics, à savoir un mystérieux tueur en série qui effectue ses crimes pendant des fêtes, d'où son nom "Holiday". Il rappelle au Chevalier Noir le tueur en série Calendar Man, tueur qui tue pendant les jours fériés notamment, en se basant sur le principe du "Jour Julien" dont il tire d'ailleurs son patronyme (Julian Day) et qui consiste en un système de datation consistant à compter le nombre de jours et fraction de jours écoulés depuis une date conventionnelle fixée au 1er janvier de l'an 4713 av JC à 12h de temps universel. Mais ce dernier est totalement innocent puisque déjà incarcéré..
Le Chevalier Noir piétine, et aidé de son ami James Gordon, capitaine de Police de Gotham City, et du jeune procureur Harvey Dent, il va aller de désillusion en désillusion et d'erreur de jugement en erreur de jugement durant la plus troublante de ses enquêtes. Des mafieux sont tués et ils soupçonnent des règlements de compte, mais même si ces meurtres arrangent les mafieux, ils jurent leurs grands dieux en être totalement absents.
Pendant ce temps-là, James Gordon doit affronter la déception de ses enfants à cause de son absence, même pendant des "fêtes", et sa femme Barbara dont le couple est un peu en porte-à-faux à cause de ses missions régulières. Répondant au téléphone, James dit lui-même sans trop y croire "c'est peut-être une erreur". Mais la suite l'en détrompera. De son côté, Harvey Dent et sa propre compagne traversent également une crise de couple, cette dernière trouvant que Harvey s'engage trop fortement dans sa lutte contre le crime. Il n'y a que Batman/Bruce Wayne qui ne traverse aucune phase de cet ordre, et encore c'est compter sans Selina Kyle, alias Catwoman qui lui donne beaucoup de fil à retordre, avec sa morale tout ce qu'il y a de plus "élastique", oscillant aussi bien du côté du bien que d'un certain "mal".
Et dans cette enquête sombre, dans le plus pur style des romans noirs, "dark'n gritty", Batman et ses deux acolytes voient les morts s'amonceler le long de leurs pas. Toujours un train de retard pour pouvoir rattraper le mystérieux "Holiday". Les mafieux s'en donnent à coeur joie, se pensant intouchables, et surtout protégés par la Police et Batman lui-même, puisqu'étant les principales victimes du tueur, pendant que dans l'ombre, la Némésis du Chevalier Noir fulmine car ce dernier occupé dans la quête d'Holiday ne fait plus assez attention à lui.
Au final et sans trop en dévoiler, on a avec Batman The Long Halloween, un petit bijou de film de super-héros, on retrouve l'action qu'on aime chez Batman, le côté plus grand détective du monde, (même si cette fois-ci, ses sens de détective lui jouent des tours sur les suspects), le sang et la fureur des comics destinés aux adultes (loin du côté plus édulcoré de la série de Bruce Timm), les affrontements dantesques, l'humour noir du comics (il faut voir la première entrevue entre Dent et Batman : "Jim ! Dent ! Batman ! Et Gordon de répondre "Bonjour l'ambiance" face à la froideur du salut des deux "justiciers"). Mais également le mystère d'un "Whodunit" à la Poirot d'Agatha Christie dont on attend la révélation de fausse piste en fausse piste. Un cocktail parfait pour un film qui ne l'est pas moins. Et même si le film dans sa seule première partie n'atteint pas tout à fait la profondeur et le niveau de "Batman contre le Fantôme masqué", on espère que la partie 2 saura lui apporter cette place définitive au panthéon des films Batman animés les plus réussis, en tout cas bien devant "Batman Sub Zero" à n'en pas douter. Pour celles et ceux qui regretteraient son absence, on retrouve la patte de Tim Sale dans un superbe générique.
Au niveau des bonus, Warner s'est surpassé. Déjà, il est bon de notifier que le bluray d'excellente facture aussi bien au niveau de l'image, et du son parfait écrin pour honorer le Dark Knight et son ambiance, est un vrai bluray avec jacquette, un steelbook absolument sublime, aussi stylé qu'une couverture de Comics, mais en plus de ça, les bonus sont nombreux et passionnants. Une bande annonce de la part 2 de "A Long Halloween" qui s'annonce encore plus palpitante que la part 1, une bande annonce de The Dark Knight Returns le film d'animation, une de Batman Gaslight (qui prend place dans l'Angleterre Victorienne, face à Jack l'Eventreur, tout le lore de Batman étant transposé dans l'Angleterre Londonienne, pas juste une question de "voyage temporel". Tous les personnages existent dans un "Gotham" Victorien, alternatif). Un court-métrage pilote DC "The Losers" racontant l'histoire de soldats pendant le Vietnam mâtiné de fantastique et d'espionnage. Et petite cerise sur le gâteau, deux parmi les meilleurs épisodes de la série TAS, en VOSTFR.