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27 septembre 2006 3 27 /09 /septembre /2006 13:43
Le Village avant-dernier film de M. Night Shyamalan est aussi à ce jour, pour moi son plus abouti, son plus profond, son plus complexe. J'ai été relativement déçu par Dogville de Lars Von Trier -que j'ai senti, compris, décrypté avant même la fin du film, mais que j'ai trouvé vain et fort ennuyeux sur le fond avec des références bibliques qui se limitent à leur propre statut de référence. La forme était toutefois intéressante (même si j'avais déjà ressenti milles fois plus de choses dans la pièce de théâtre "La visite de la vieille dame" aux thèmes similaires). Dogville qui plus est transpire l'anti Américanisme primaire de son auteur. Je désespérais de trouver un film qui reprendrait le même principe, l'enfermement d'une communauté, mais sans jamais afficher sa lourdeur moraliste et surtout sans user d'une forme minimaliste à la Dogme (quoique intéressante je le reconnais)...Bryce Dallas Howard et Joaquin Phoenix.

Et puis je suis tombé sur Le village, et mon attente a été comblé, au-delà de toutes mes attentes. Avertissement : Les révélations ainsi que la fin du film seront dévoilés au-delà de ses lignes, donc prière de ne pas lire après ceci si vous n'avez pas vu le film.

Commençons tout d'abord par évoquer le titre. A l'origine, le film de Shyamalan s'intitulait non pas Le village mais 'The Woods'. Donc au vu des premières bandes annonces le spectateur s'attendait à une histoire qui fait peur sur des créatures mythiques peuplant ces dit-Bois, un subtil mélange de fantastique et de réel. Mais au final, le film ne raconte pas l'histoire de l'extérieur, mais bien celle de l'intérieur, ainsi le titre devient Le village avec une trés grande cohérence comme toujours chez Shyamalan.Bryce Dallas Howard.

Maintenant, le héros principal n'est pas Lucius Hunt, et ce même si Shyamalan nous le fait croire pendant une partie du film, en le présentant comme quelqu'un de courageux (plus que les autres), fort (plus que les autres), etc... En somme, c'est le héros par essence. Seulement voilà, il faut s'attendre à tout avec Shyamalan et il n'hésite pas à entraver la vie de son héros pour pouvoir dévoiler l'identité du vrai héros du film, ou plutôt de l'héroïne Ivy. Ce n'est pas la première fois que Shyamalan agit ainsi et ça dénote une absolue cohérence dans l'ensemble de son oeuvre. J'ouvre une parenthèse pour évoquer ma théorie sur ce que j'appelle "un héros peut en cacher un autre".

Dans Sixième sens, Haley Joel Osment est présenté comme le vrai héros, mais finalement, le spectateur s'apercevra que le héros est Cole donc Willis. Ensuite dans Incassable Willis revient et est présenté comme le héros du film, mais c'est Samuel L Jackson qui sera véritablement le héros dIncassable. Puis dans le suivant, Mel Gibson est présenté comme le héros du film, mais celui qui sauvera vraiment la famille, c'est le personnage incarné par Joaquin Phoenix. Et enfin dans Le village, Le héros pressenti est Lucius Hunt (Joaquin Phoenix) mais le héros révélé sera Ivy (Bryce Dallas Howard). J'imagine donc que si ma théorie se tient, l'héroïne de La jeune fille de l'eau, Bryce Dallas Howard, sera le héros pressenti et que le héros révélé sera différent. Ce n'est qu'une théorie mais je pense qu'elle se tient.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos Sangliers. Puisque les Anciens utilisent des trognes de Sangliers (d'où le titre de ma critique) et des costumes pour effrayer les enfants. Le héros est donc Lucius qui après l'enterrement d'un enfant à cause d'un manque de médicament, exprime son désir profond d'aller à la ville. a partir de ce choix courageux, voilà que les créatures qui peuplent les bois interdit commencent à se manifester de plus en plus près des maisons, de plus en plus violemment. Mais loin de refroidir les hardeurs de Lucius, ça l'encourage à y aller d'autant plus. L'effet escompté, faire peur au jeune homme, échoue. Adrien Brody.

Et voilà que le Destin s'en mêle. Noah, le jeune autiste, un peu simplet, est amoureux d'Ivy et lorsque cette dernière avoue son amour à Lucius, il le tue par jalousie (mais aussi par amour pour Ivy). D'ailleurs le moment du meurtre est magnifique de concision et de clarté : Lucius vient d'expliquer à Noah "que l'amour s'exprime de diverses façons" et Noah plante un couteau dans le ventre de Lucius, effectivement un moyen d'exprimer son amour pour Ivy ; et qui plus est, la jalousie et la haine découle également de l'amour.
Mais Noah se garde bien de tuer Lucius car sans le savoir, il représente le Destin de Ivy, accomplir l'acte initiatique qui la conduira à ouvrir les yeux sur Le village. De la même manière, Joaquin Phoenix et tous les éléments juxtaposés de Signes conduisait son père à retrouver sa foi en la religion. Le jeune autiste ("heureux les simples d'esprit, ils seront invités au repas du seigneur" nous dit la Bible) agit donc dans l'intérêt de la communauté, puisque jamais les Anciens ne laisseront aller un voyant, en revanche l'aveugle ne risque pas de ternir leur mensonge.William Hurt.

William Hurt est absolument fantastique dans son rôle de patriarche archaïque et son refus du mal, se voit largement entachée par le meurtre de Noah. Il réfute également ses sentiments pour Sigourney Weaver, pressentant que l'adultère est déjà une partie d'une action mauvaise (cf Incassable). A partir de là, il comprend que quelque chose cloche dans sa communauté miracle et donne à sa propre fille, les moyens de découvrir la vérité, du moins une partie de la vérité : Les Monstres. Walker qui était le plus confiant dans son projet d'éloigner les gens du mal, finit par douter du bien fondé même de son action, et présente à Ivy la supercherie.

Cette scène est d'ailleurs d'une profonde étrangeté, j'ai bien cru un moment par la mise en scène, la musique et par le dialogue que le gentil Walker allait violer sa fille (je ne sais pas si quelqu'un a ressenti ça aussi). Elle lui demande pourquoi il l'a conduite dans la dernière maison, la plus éloignée du Village et il lui dit pour toute explication "Essaie de ne pas crier", avec un ton qui m'a personnellement fait froid dans le dos. Puis l'image coupe et on retrouve Ivy dans la forêt avec les deux gardes. La scène de la cabane aura finalement une explication ni malsaine, ni incestueuse.

Je rejoins JulienAbadie (mediacritik.com) sur sa perception du Village en cercles concentriques, comme "La Divine Comédie" de Dante, mais j'en rajouterais quelques uns. Il ya d'abord à mon sens, la cache dans la Cave qui sert à se protéger des attaques fictives des monstres, puis ensuite chaque maison elle-même pour ses habitants, puis ensuite le Village, enfin la forêt, puis La clôture, qui enserrent elle-même la ville, dans laquelle se trouve enfin la cabane du garde-barrière. Ce qui en tout fait 7 cercles étonnamment, ceux-ci étant identiques au roman de Dante, surtout l'importance symbolique et biblique du chiffre 7 n'est plus à démontrer. L'enfer est composé des septs cercles, et la violence et la souffrance arrivent jusqu'à la maison du garde (en témoigne son journal qu'il lit, témoin du mal et  de la violence du monde actuel au quotidien et qui n'est pas là innocemment). L'enfer est présent jusque dans la maison alors qu'il semble absent du paradisiaque village ? Mais le meurtre de Noah et les cachotteries du village viennent sérieusement ébranler ce présupposé.

Ivy, plus Lilith aventureuse qu'Eve suiveuse, quitte le paradis du village pour sauver son Adam. Elle entreprend le périlleux voyage initiatique, toute seule, médium aveugle parmi les voyants, le Destin, son destin la guide, ce qui explique à mon sens, le fait qu'elle trouve la route et la barrière et qu'elle tombe sur le jeune Kévin (le destin prenant une grande part dans l'oeuvre de Shyamalan cf des films comme Incassable, Signes entre autres). Walker l'envoie également car à cause de sa cécité, il pense qu'elle ne pressentira pas la vérité et reviendra une fois son initiation accomplie à son village. Mais elle revient différente au Village.

Je voudrais aussi parler de la scène de la cabane, dans laquelle l'apparition de Shyamalan, une fois de plus, va bien plus loin que l'apparition de figurant d'Hitchcok. Il exploite à fond son matériau filmique pour nous montrer le film en train d'être tourné. Le 4eme mur ne dévoile qu'un morceau du visage du réa. Kévin lui expose sa requête et il l'écoute, bienfaisant démiurge mais qu'on ne peut regarder en face sous peine de briser la magie de l'histoire. Il en profite également pour s'aquitter de sa tâche de scénariste, expliquer les incohérences du film. Il résume en une phrase bateau pourquoi les avions ne passent jamais en évoquant l'argent distribués à de haut fonctionnaires. C'est tout juste s'il ne nous dit pas, "ça vous satisfait comme réponse, oui non ben faudra vous en contenter, la vraie révélation est ailleurs". Kévin telle un nouveau Persée, arrivera à montrer le visage du démiurge du film en ouvrant une armoire vitrée dans laquelle se reflètent le visage du réa/Dieu qui semble absent mais sait trés bien ce qui se passe, puisque c'est lui qui a engendré ce mouvement, et cette mise en scène. Comme les Nazis de 'Les Aventuriers de l'Arche perdue'qui sont détruit pour avoir voulu contempler le visage de Dieu, le visage du réa ne peut être vu sauf par ce subterfuge.

Ivy Walker ses médicaments en main, revient au village, et affronte le jeune Noah (créature dont on ne sait plus bien si elle est réelle ou fantasmée, tant la force du cinéma de Shyamalan est grande), pendant qu'en parallèle, le réalisateur nous dévoile pourquoi ces humains ont quitté la vie réelle, pour venir se perdre dans ce village. Certes l'acte est noble, et utopiste, mais au même rang que le communisme de Marx et autres utopies, il n'est pas applicable et les Anciens l'ont sans doute compris avec le meurtre de Noah.

Ainsi cette couleur rouge dont il essaie de se prémunir depuis tant de temps et qui a hantée leurs vies : viols, meurtres, accidents, se reproduit dans cet enclave du bonheur. Noah se supprime malgré lui, sa qualité de destin d'Ivy l'oblige à finir ainsi, pour que Ivy affronte sa propre peur.

En revanche, je ne pense pas que la fin soit réacs. Je pense que l'initiation d'Ivy a suffisamment porté ses fruits, pour que la jeune génération accepte de mettre le nez hors des bois, après tout "les gens de la ville ont une voix douce", cette phrase suffit à elle seule à prouver que Ivy est revenu totalement transfigurée. L'ouverture de la boite de Pandore est impossible à refermer, et peut-être bien que l'espoir reste encore niché dans tous ces drames, même si les adultes mourront surement dans leurs incapacité à croire en la bonté humaine.Joaquin Phoenix.

Le nouveau Lucius et la nouvelle Ivy tiennent peut-être dans leurs mains, les rennes de l'Amérique, pardon, du Village et c'est un message magnifique en soi. D'ailleurs, nous avons tous une part négative, et je pense que si Ivy ne dit jamais à Lucius de quelle couleur elle le voit, c'est sans nul doute car elle le voit de la couleur interdite, celle du péché (interdit au jardin d'Eden), le rouge.
L'affiche américaine du

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commentaires

V
Je dirai même fantastique ce film !!!
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D
J'adore M.Night Shyamalan, et je trouve que tu en parles très bien. Ce que tu dis est fin et intéressant. En ce qui me concerne, j'adore Le Village et il me semble que c'est son film le plus maîtrisé... Je pense qu'on peut presque parler de chef d'oeuvre, tant toutes les composantes du film s'assemblent avec brio: acteurs, scénario, cadrage, musique.. Ce film, qui m'avait bizarrement un peu déçu au cinéma, m'a subjugué au deuxième visionnage. Bryce Dallas Howard est magistrale. Reste à faire une critique de Lay in the Water maintenant!<br /> A+
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