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27 septembre 2006 3 27 /09 /septembre /2006 13:51
J'ai vu Vidocq et j'ai trouvé que c'était un très bon film avec un scénario pas si classique que ça mais bien efficace. Pour un premier film, Pitof fait très fort, et il crée un nouveau genre à n'en pas douter, surtout au niveau de l'utilisation de la caméra numérique ! Attentions révélations dans cette critique !

Le montage est purement génial, toujours très déroutant mais en un mot génial. On retrouve l'esthétique de certaines peintures de Goya, de même que les paysages, les portraits et les couleurs de Delacroix et Géricault ; avec également le pessimiste et la folie narrative d'un Edgar Allan Poe !
Une peinture plus que saisissante du XIXème triomphant, avec son lot de complots, de machinations, de politiques, de religion, d'ouverture sur l'ésotérisme et sur un goût prononcé pour la décadence !

Le film, et surtout le personnage de l'alchimiste renvoie pas mal à l'évocation du Horla, créature sombre et malfaisante des contes de Maupassant (elle revient dans trois nouvelles et contes). On fera également le rapprochement par les multiples gros plans et autres effets de distorsion du visage avec un cauchemar comme n'importe qui d'entre nous pourrait le vivre dans son lit. Et immanquablement, en terme de cauchemar, on pense à deux figures mythiques du "j'écris mes cauchemars sur papier" : H.P Lovecraft et Lautréamont avec les chants de Maldoror.

Mais Vidocq c'est aussi plus près de nous, une caméra hérité des jeux de rôles, des jeux vidéos, des cinématiques de combat « Tekkenien », très stylé arène de combat. Pitof fait du neuf avec à la fois du neuf et du vieux.
C'est aussi au niveau du cinéma, l'évocation du film Peeping Tom (le Voyeur en VF) surtout l'idée du miroir inspiré du film qui permet de voir sa propre mort et qui renvoie à la fois à la mort physique et à la mort spirituelle, la damnation de l'âme « bue ». J'entends par âme bue, le principe selon lequel l'Alchimiste absorbe l'âme de ses victimes par le truchement de son masque miroir.Guillaume Canet.

Personnellement j'aurai été très déçu si il avait été question de pédophiles ou de tordus sexuels à la SEVEN. A ce propos, une critique des Inrocks qui apparemment à l'époque n'avait rien compris à Vidocq, le comparait à une mauvaise copie de SEVEN, mais c'est absurde car il n'est absolument pas question à proprement parler de religion, ni de serial killer dans Vidocq, du moins pas dans le sens de SEVEN.
Ces sujets là, ont déjà été cent fois vu et revus avec plus ou moins de réussite, de même que la théorie du complot ou de la société secrète, ce que Grangé évite habilement tout en nous proposant d'y croire à travers ses nombreuses fausses références à ces théories.
Il évite l'écueil du pacte des loups à mon sens, avoir voulu trop en faire, trop mélanger de choses, de notions, de thématiques. Il reste sur son idée fantastique et nous propose les complots politiques, religieux, etc... comme autant de fausses pistes.
Pitof.
La fin est parfaite selon moi. Quoi de plus normal que celui qui enquête sur son soit disant héros soit en réalité le pire Némésis du dit-héros ! Tout le film peut ainsi être repris dans un autre sens de lecture : notamment les visions de profileur que ressent Etienne en visualisant les croquis chez Vidocq (une claire allusion à la base au personnage de From Hell, le film, comme le téléfilm ou le roman) croquis qui deviennent les propres souvenirs du meurtrier et non la projection mentale d'un véritable enquêteur !
Je ne trouve pas que la fin, ni le film en lui-même soit incohérent, tout s'explique logiquement, et Nimier, ne sait pas que Vidocq est vivant, il croit réellement qu'il est mort, ce qui explique qu'il noie son chagrin dans l'alcool.

Je rapprocherai également ce film des nouvelles diverses fantastiques du XIXème siècle de Byron et tous les écrivains et novellistes de ce siècle qui se sont interrogés sur la figure du Mal, du Malin, de l'Etre étrange.
Mais impossible de ne pas voir dans le personnage de Vidocq dans ce film, un rappel ou tout au moins une allusion au Comte de Monte-Cristo qui lui aussi fait croire à sa mort et organise un gigantesque piège pour se venger des gens qui l'ont trahi et punir les gens qu'il estime complices. C'est en ce sens mon explication du fait que Vidocq n'aide pas les futures victimes de l'Alchimiste, ils méritent tous leurs sorts, ce sont tous des criminels et Vidocq n'est rien de moins qu'un policier.

Pour finir, un petit mot sur le montage, je le trouve très représentatif de la volonté de Pitof de nous montrer un univers faux qui peut être vrai et inversement. Ainsi les plans les plus beaux proches de Delacroix ou de Goya côtoient les images les plus sales, les plus disgracieuses, sonnant faux et donnant un effet toc ce qui renforce à mon sens de beaucoup l'appréciation "cauchemardesque" du film.

Pour ceux qui se demandent pourquoi on n'a pas d'explication sur les pouvoirs de l'Alchimiste, il n'y a pas d'explication à donner. Tout est dans le film. L'Alchimiste vole, disparaît, se bat, est rapide, peut-être même possède un don d'ubiquité, produit des pigeons ou des corbeaux sous sa blouse, pour la simple et bonne raison qu'il n'est absolument pas humain, et le sang des vierges en est un bon exemple, ce n'est plus un homme, l'alchimiste est devenu un démon, un être réellement malfaisant, le diable chrétien, peut-être même le Mal incarné !

D'ailleurs comment ne pas analyser ainsi l'ultime plan de clôture du film : L'image des "héros" est petit à petit happée par une croix pattée, dans laquelle on voit la scène d'enterrement comme le ferait un miroir, et l'image du masque de l'alchimiste, presque fantomatique, transparente glisse d'un bord à l'autre de cette croix symbolisant je pense sans nul doute, non pas un Vidocq 2, mais une ouverture sur le fait que le Mal (si il existe, au même titre que le Bien) est immortel, il revient toujours et ne peut jamais vraiment être détruit sous peine de plonger le monde dans le Chaos (le déséquilibre Bien/Mal, Ordre/Désordre, la non présence du Yin et du Yang).

Note complémentaire : Je trouve aussi très beau tous ces gros plans sur les yeux, puisque selon un grand nombre de poète occidentalistes, orientalistes du 16ème siècle jusqu'à nos jours, les yeux sont considérés comme le miroir de l'âme, tout cela renvoyant à notre très cher Alchimiste.André Dussollier.

Mais l'Alchimiste, c'est aussi une figure triple symboliquement : Vidocq/Etienne/l'Alchimiste, une figure qui marche par trois, comme un triptyque d'oeuvre d'art, de la même manière que les "héros" marche par trois Vidocq/Préah/Nimier, et que les pervers narcissiques marchent eux aussi en trio.
De la même façon, l'homme de main de Dussolier est toujours accompagné de deux bras droit tous habillés de noir, et lors des crimes, chacun des trois est, si mes souvenirs récents sont bons, accompagnés de trois hommes de main.

Enfin, l'Alchimiste c'est aussi une relecture du mythe de Faust de Goethe et quelque part de livres comme Alice au pays des Merveilles (les deux tomes) et le portrait de Dorian Gray, le portrait devient hideux et repoussant mais Dorian reste un beau jeune homme comme l'Alchimiste qui commet exaction sur exaction mais dont le profil physique ne bouge pas ; seul son masque miroir est représentatif de sa condition de monstre.

La musique de Bruno Coulais est assez inspirée, trés bonne et s'intègre trés bien au bon moment dans le métrage, même le choix d'un morceau entre hard rock et musique électro acoustique pour le duel Vidocq/L'Alchimiste m'a beaucoup plu.

Les seules petites critiques que j'émettrai par rapport au film, c'est la présence de Vidocq dans un film fantastique, n'y cherchez aucun lien avec la série ou les vieux films, c'est un peu dommage. Le film aurait pu ne pas s'appelait Vidocq et fonctionner tout aussi bien, sinon mieux.
J'aurai également apprécié si à l'instar d'un matrix, l'Alchimiste avait eu la possibilité de prendre l'apparence de ses victimes, celà aurait pu permettre pas mal de rebondissement intéressant.

Mon conseil, donnez sa chance à ce film, il la mérite, il ose des choses, a des partis pris assez fou et le résultat vaut vraiment le coup.


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commentaires

A
Cauchemard tout court ouais!
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T
Vidocqj'ai aussi beaucoup aimé ce film, l'esthétique est très raffiné, la synopsis et le motif du film sont très intéressant, le personnage de l'alchimiste est super, les acteurs jouent très bien...Une pure merveille...Seules les critiques font de l'ombre aussi, et je pense qu'on retrouvera le même problème dans les critiques du Parfum, à savoir un tas de gens qui ne comprennent pas ce genre de film....
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