Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 14:59

http://4.bp.blogspot.com/-N7Gp__-x98o/Tt-1OZgJ6-I/AAAAAAAANAU/nnWVYBfG1XM/s1600/Devils%2BDouble%2B1.jpgC'est personnellement en 2003 que j'ai eu la chance de découvrir le réalisateur Lee Tamahori dans ce qui s'avèrera être pour moi un des meilleurs James Bond (avant l'arrivée fracassante de Casino Royale et du futur Skyfall). Je n'avais pas vu son premier film l'âme des guerriers, et je découvrais dans cet opus bondien, un plaisir de filmer, un film riche en thématiques sous-jacente, et qui avais été traité par ailleurs de manière un peu trop sporadique dans la mythologie Bondienne. Et pourtant, quelles thématiques passionantes que ce méchant qui se refait un visage d'occidental pour renvoyer à James Bond toute la fatuité et tout le paradoxe de ce qu'il est : c'est à dire un beau visage mais dont les actions sont tout aussi noire que celle du "bad guy of the week" (méchant de la semaine)

C'était aussi le premier Bond dont le générique s'ouvrait sur une scène de torture dans de l'eau glacée.

 

Je pensais à tort qu'un tel réalisateur, avec une vision si forte du personnage, pourrait vraisemblablement faire carrière facilement à Hollywood, et revenir dans la franchise des Brocoli pour un futur opus. Mais après un XXX² à peine divertissant et un Next qui ne laissa pas de grandes traces de son passage si ce n'est le mème internet qui poursuit Cage à chaque changement de "coiffure" pour un de ses films ; autant dire que je désespérais de revoir monsieur Tamahori revenir à un grand sujet, avec des thématiques que je sentais poindre dans ce que j'avais découvert de lui .

 

Lorsque au détour d'un mail, j'ai vu qu'on recherchait des critiques pour chroniquer le dernier Lee Tamahori, mon sang n'a fait qu'un tour. Et j'ai demandé tout de suite à en être, regrettant par avance de ne pas être parmi les heureux bénéficiaires du choix du site. Heureusement, la rencontre a pu de nouveau avoir lieu, et ce que je n'avais fait qu'entr'apercevoir dans Die Another Day se retrouve clairement confirmé dans ce Devil's Double qui réussit l'exploit d'être à la fois un trés bon divertissement, un excellent film de guerre, film d'action et une trés belle réflexion sur l'être humain. Chaussez-vos lunettes de sommeil, décollage de l'avion pour l'Irak immédiat.

 

De quoi donc parle Devil's Double me direz-vous ? Et bien, basé sur un livre témoignage écrit par le vrai Latif, ce film raconte l'histoire de Latif, lieutenant de l'armée Irakienne et ancien ami d'école du fils ainé de Sadam Hussein, Uday qui va être obligé par ce dernier, sous peine de voir sa famille envoyé à Abou Graïb et exécuté, d'endosser l'identité d'Uday et de devenir son "fiday", son double non-officiel.

 

Latif dans une scène magnifique est introduit dans le palais de Sadam et se retrouvant face à un miroir, il murit dans sa tête, son acceptation ou non du poste "proposé" avec tout ce que le rejet de ce dernier comporte comme risque pour sa famille. Il en est là de ses réflexions, quand par un passage de point, le miroir se floute et apparait un deuxième Latif, en réalité le spectateur l'a bien compris, Uday. Par ce passage de point, le réalisateur lie Latif à Uday, et peu importe que Latif réfléchisse encore à la question, car cinématographiquement Tamahori nous donne déjà l'issue de l'entretien. Qu'il le veuille ou non, Latif deviendra l'ombre de Uday.

 

Uday accepte donc et se retrouve plongé dans le faste Irakien du palais de Sadam et de l'univers de Uday. Un univers remplit de luxes, de fastes, de richesses, de voiture et de femmes. On pourrait d'ailleurs résumer Uday par l'intermédiaire de son serviteur qui dira à Latif "les choix les plus durs de Latif sont de choisir quelles chaussures choisir pour l'accorder à la couleur de sa voiture". Le gamin gâté par excellence donc, mais le problème est que ce constat ne s'arrête pas qu'aux habits et aux biens matériels. Ce que Uday veut, Uday l'obtient. Ainsi, si Uday voit une femme qui lui plait, il n'hésitera pas à la prendre, même contre son gré. Et il considérera toujours Latif comme un jouet, un objet de convoitise dont on peut se lasser à tout moment. 

 

Tamahori retrouve également les thématiques qui étaient déjà à l'oeuvre dans le mésestimé "Meurs un autre jour" à savoir le thème de la dualité et le thème du pantin. Ces deux thèmes surgissent d'ailleurs souvent au détour d'un reflet, et ce qu'il provienne d'un miroir, d'une vitre, de la surface de l'eau ou de la carrosserie de la voiture d'Uday.

 

Uday nous l'avons dit, a une passion pour les objets et les gens, et cette passion passe aussi par une perte complète de son identité sexuelle. Uday fréquente pendant des soirées des travelos alors qu'il a une favorite, Sarrab, remarquablement interprétée par la trop rare Ludivine Sagnier, dont la beauté est sans pareil. Mais Uday a une fringale sexuelle qui doit se manifester, et peut importe la présence de Sarrab, Uday va fricoter avec des travelos, embrasser des femmes pendant ses fêtes, il va même jusqu'à faire enlever une collégienne qui lui plait, c'est dire si ses repères sexuels sont brouillés. On apprendra plus tard dans l'histoire que cette perde d'identité vient du rapport quasi incestuel qu'il entretient avec sa mère. C'est en effet lui aussi qui ira jusqu'à ouvrir le ventre en pleine fête d'un ami de son père qu'il nomme comme le "fournisseur officiel de prostituées". Par vengeance, il le tue non sans l'avoir invectivée par rapport au mal qu'il fait ainsi à la femme de Sadam et à la mère d'Uday.

 

Cette scène donne lieu à une plongée dans la folie à mi-chemin de Scarface et du Parrain. Uday à moitié ivre, sort un sabre et ouvre en deux l'ami de son père dont les tripes se dévident sur la table. Cette mise à nu est aussi la mise à nu de l'esprit d'Uday pour Latif. Uday est un psychopathe complètement fou, et Latif regrette amèrement de devoir être le témoin des agissements de ce dernier. C'est suite à cette scène également que pendant qu'Uday abuse d'une des collégiennes enlevées et saoulées à sa fête, Latif raccompagne au taxi la seconde. La seconde sera sauvée, la première violée et battu finira dans un terrain vague jeté par les sbires d'Uday.

 

En proie à une grande agitation réflexive, Latif entend plus tard des cris au dehors, comme de la torture et il sort précipitamment pour se retrouver à côté d'un court de tennis ou Sadam et son "Fiday" on l'apprendra plus tard, dispute âprement un match. Le rapport de domination et de complémentarité du chef d'état et de son double intervient dans cette superbe scène, car ils combattent l'un contre l'autre mais ensemble comme témoignera l'accolade fraternel à l'issue du match. Nous assistons d'ailleurs à un rappel, car Latif, aura une accolade fraternel avec Uday, mais la raison en est tout autre, Latif prend Uday dans ses bras pour l'empêcher de tuer Abel Kana (le meilleur ami et "mac" de son père). Lee Tamahori pose ainsi les bases de son film, et il arrive à réaliser l'exploit de ne jamais diaboliser Sadam Hussein, au contraire même.

 

On pourrait également relever une mise en abime du cinéma dans le film, car les deux personnages excellemment interprétés par le seul Dominic Cooper vont passer par l'usage d'artifice prothésique. Le "vrai" Uday a les dents légèrement écartés et lorsque Latif cherche à devenir Uday, il ira jusqu'à endosser les mêmes dents mais en prothèse cette fois-ci. Le film se double aussi d'une critique à peine voilée d'Hollywood (le palais du Sultan) et Latif-Uday devient un peu le réalisateur obligé de mettre en scène un film qui ne lui plait pas pour accéder à des projets plus personnels (comme peut l'être ce Devil's Double par ailleurs produit en dehors du sérail hollywoodien). On pourrait donc y voir une satire yesman-auteur en poussant un peu l'analyse et plusieurs points du film peuvent être reçus en ce sens.

 

Nous ne dévoilerons pas l'issue du film, pour ne pas gâcher le plaisir au spectateur, mais ce film qui n'est malheureusement pas sortie en France au cinéma, mérite immédiatement une seconde chance, car nous sommes en face de ce qu'on peut bien appeler un chef d'œuvre double (excellent film d'action et belle réflexion d'auteur)

 

Un mot sur les Bonus du dvd : « Nous les irakiens » (53 minutes), un documentaire intéressant qui nous plonge dans le quotidien d’une famille irakienne avant et pendant la seconde guerre du Golfe. Sur le film même, plusieurs featurettes complètent cette édition dvd pour une fois vraiment riche en suppléments. Pour un film sortie en DTV en France mais qui a bénéficié d'une sortie salle au USA, ça mérite d'être signalé.

 

« Les coulisses du tournage », « Dominic Cooper dans la peau de Udaï et de Latif », « Focus sur les décors », « L’importance des costumes et du maquillage » - complètent cette édition définitivement riche en suppléments.

 

Découvrez aussi plein d’autres films sur Cinetrafic dans la catégorie Film thriller ainsi que la catégorie Sortie cinéma.

Sortie le 2 mai 2012. Distribué par BAC films”

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Fantasydo : Parce que l'Homme a encore le droit de rêver !
  • : Un regard d'analyse objective essentiellement sur le cinéma de genre et les blockbusters généralement américain mais pas toujours
  • Contact

Recherche

Liens