Tu me pardonneras cher lecteur je l'espère la mise en bouche quelque peu racoleuse du titre de cette chronique, consacrée une fois n'est pas coutume à l'animation asiatique, en une biographie du mangaka Yoshihiro Tatsumi, mi-documentaire (les passages de la vraie vie du mangaka, raconté en voix-off par lui-même) mi-fiction (les passages fictionnels étant certaines oeuvres du mangaka mis en image par le réalisateur Eric Khoo.
Moi qui ne connaissais pas du tout l'oeuvre de Yoshihiro Tatsumi, j'ai découvert par l'intermédiaire de ce film, une oeuvre d'une touchante beauté, à la fois sordide dans son récit, et souvent trés poétique et emprunt d'un grand lyrisme dans son exécution. Tatsumi en plus d'être un jeune mangaka surdoué, publié dès l'adolescence, ce qui sortira sa famille du besoin, a eu le privilège de rencontrer le célèbre mangaka qu'on compare à Disney, le grand Osamu Tezuka, créateur entre autre de Astroboy et du Roi Léo. Son idole par ailleurs, et cette rencontre marquera Tatsumi et lui offrira une grande source d'inspiration supplémentaire.
La grande force de Tatsumi est d'avoir donné au manga, par l'intermédiaire de l'invention d'un nouveau genre, le "gekiga" (littéralement images dramatiques), une expansion à un public beaucoup plus adulte. Tatsumi fortement influencé par les thématiques du cinéma neo-réaliste se questionne sur le japon d'après-guerre.
La grande force du film de Khoo, est de tenter de concilier à la fois, fantasme de l'écriture, souvenir narré par Tatsumi lui-même, et intermède historique sur le Japon qui tente de se relever économiquement, et culturellement après l'apocalypse nucléaire d'Hiroshima. Aux travers de 5 récits linéaires, Khoo nous fait profondément voyager dans le cerveau d'un mangaka à l'imaginaire foisonnant, quoique souvent trés sordide.
Ainsi, la mort, le sexe, la guerre et la dépression, y côtoie la recherche de l'amour le plus pur, ou la quête d'un idéal humaniste tangible. Contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là, "ceci n'est pas du Disney". Rien de plus réducteur, même si Disney ne s'est effectivement jamais apesanti sur le "sexe" (quoique), il n'en demeure pas moins qu'une partie de l'histoire de son studio a souvent abordé de manière expérimentale (Fantasia, Fantasia 2000) ou non, la mort, la guerre, et la dépression, et ce que cette dernière soit économique ou sociale.
Un mot sur la musique, dont le thème principal et la musique des passages biographiques a été composé par le propre fils du réalisateur, Christopher, âgé de seulement 13 ans, composition qui résonne un peu comme un écho du jeune âge de Tatsumi lors de ses premières publications. La musique sans être inoubliable, sert parfaitement et efficacement chacun des récits (à l'exception du 5eme sans musique), et dans la diversité des compositions de Christine Sham, chaque récit trouve sa propre unité par l'emploi de style différent (musique inspiré de musique érotique des 70's, jazz, bruits industriels, etc...
Au final, et pour conclure, le pari est à moitié réussi, car le film malgré sa grande diversité et l'incroyable puissance de son dispositif narratif peut paraitre au cinéphile le moins patient, un peu long dans son déroulé. Et les thématiques souvent fort déprimantes des récit ou du moins emplit d'un gros spleen, associés à la violence graphique et au choc de certains passages, même pour les plus âgés, limitent forcément la portée pourtant universelle de ce bel exercice de style, qui se double d'une mise en abyme par certains côtés (parler d'une oeuvre, c'est déjà parler de son créateur). Ne pas rater à ce propos, la magnifique introduction en hommage à l'oeuvre de Osamu Tezuka.
Sortie en DVD et BluRay depuis le 15 Juin 2012. Distribué par CTV.
- Découvrez aussi plein d’autres films sur Cinetrafic dans la catégorie dessins animés ainsi que la catégorie manga.