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21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 14:33
Carnivores

La sororité malaisante a rarement été abordé au Cinéma ou dans les mythes, on pense bien plus souvent à Etéocle et Polynice, ou à Caïn et Abel, mais des soeurs en rivalités qui conduiront au drame et au tabou ultime il en existe bien peu. C'est ce que nous proposent de vivre cinématographiquement les frères Rénier, Yannick et Jérémie, chapeauté par les producteurs réalisateurs Jean-Pierre et Luc Dardenne, à travers l'histoire (écrite à quatre mains par les Rénier) de deux sœurs comédiennes dont une a bien mieux réussi que l'autre, puisqu'elle est devenu une star tandis que l'autre à bout de ressources en est réduit à s'installer provisoirement chez sa soeur étoile montante du cinéma indépendant.

Mona, actrice un brin paumée (très troublante Leïla Bekthi, impeccable dans son rôle de soeur actrice dans l'ombre de sa petite soeur, névrosée, envieuse, rabaissée, etc).. par le monde impitoyable qui l'entoure, se retrouve par manque d'argent et donc dans une situation précaire à devoir aller habiter chez sa soeur, Sam, également actrice, la remarquable Zita Hanrot (révélée par Fatima) à qui tout réussit, famille, travail, amour. Par un heureux concours de circonstances, sa soeur faisant un burn out dû à son overdose de tournage (une manière intelligente de la part des frères de dire que les bourreaux de travail ne sont pas forcément les plus heureux pour autant), Mona se retrouve à devenir la répétitrice et assistante de Sam.

Dans l'ombre d'un père absent (divorcé, disparu, mort, on ne le saura jamais), les deux soeurs se laissent progressivement aller à bon nombre de rivalités, tout en entretenant des rapports intimes qui flirtent aussi très dangereusement avec le tabou de l'inceste. Mona envie Sam certes, mais quelque part Sam est jalouse de ne pas être aussi cérébrale qu'elle, Sam étant plus dans l'instinct et l'affect.

Sur un scénario qu'on aurait pu retrouver dans un épisode de Hollywood Night, c'est dire le côté déjà vu de l'entreprise, et sans la maestria d'un Brian de Palma pour épingler la sororité déviante au microscope de sa caméra, les frères Rénier se retrouvent à promener le spectateur de lieu en lieu, sans jamais vraiment réussir à l'accrocher durablement et sans ennui définitif non plus. Et c'est le plus dommage, car que ce soit ce réalisateur belge imbus de sa personne et autoritaire, qui pourrait tout aussi bien évoquer l'autrichien Michael Haneke que n'importe quel autre réalisateur abusif de ce type, ou la mère un brin envahissante, on sent bien que les frères Rénier parlent aussi d'eux-mêmes et tentent d'embarquer le spectateur dans leurs règlements de compte personnels, et leur thérapie freudo-lacanienne filmique. Et selon la formule connue de Flaubert, "Emma Bovary c'est moi", on se prend à essayer de deviner ce qui ressort de la réalité, et ce qui ressort de la fiction dans cette histoire qui se suit sans déplaisir, mais dont l'issue tragique aura été anticipé dix fois par le spectateur. 

Il est d'ailleurs dommage d'avoir centré le film sur la rivalité et l'envie de Mona sur la vie de Sam, car le film aurait certainement gagné une certaine plus-value si le scénario avait plus parlé des coulisses des tournages, et des difficultés afférentes au métier de comédien, à fortiori quand on est deux soeurs, et l'une dans l'ombre de l'autre.

Quoiqu'il en soit, les Rénier choisissent de se concentrer sur la tentative de récupération de la vie de Sam par Mona, après la disparition de cette dernière (ellipse d'un an assez étrangement posée dans le scénario au détour d'un plan final où Sam poussée à bout par son réalisateur tyrannique, craque complètement en mode Isabelle Adjani chez Zulawski). Mona récupère donc patiemment, à force de travail, et de compréhension du monde qui l'environne, la vie de Sam : son fils, son compagnon, sa place d'égérie de son réalisateur autoritaire qui décide après la disparition de Sam de réaliser un nouveau film sur cette même disparition.

Mais même ce retournement de vie est attendu par le spectateur depuis plusieurs "bobines", et rien ne fait monter l'attention de ce dernier au-dessus du radar de la surprise, pas même la fin, plutôt convenue et attendue, que nous ne dévoilerons pas ici.

Au final, le film se laisse regarder, notamment grâce à la trés bonne performance de son casting, mais malgré quelques bonnes idées de plans à travers des reflets ou face à des miroirs, témoignant en filigrane de la vie des deux "rivales", la réalisation des Rénier est assez impersonnelle, si ils ont vraiment réalisé eux-même entièrement le film, puisque deux "auxiliaires à la réalisation", un en France, une en Espagne sont crédités dans le générique de fin. Sans trop s'avancer, car rien n'est tout à fait sûr, mais il semble que l'auxiliaire à la réalisation, soit ce nom que l'on donne à un réalisateur ou une réalisatrice "ghostwriter" qui s'occupe de toute la partie technique ne laissant aux réalisateurs ou aux réalisatrices crédité-e-s que les plans à dicter quand ces derniers ne s'y connaissent pas suffisamment en technique pour faire le travail elleux-mêmes.

Carnivores ne se révèle même pas mauvais, car il est bien éclairé, et réalisé proprement, mais il manque de l'implication personnelle, et de la folie que pourrait caractériser par exemple et dans un sujet différent mais à la finalité plutôt proche, un Sisters, De Palmien par exemple.

Sortie en DVD, Blu-ray et VOD le 22 août 2018. Edité par AB Video. Retrouvez la page Facebook de l'éditeur.
Retrouvez ce film sur Cinetrafic à l'instar des meilleures séries françaises et du côté de la tension des meilleurs polars.

 

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